Qu’est-ce que la résistance aux antimicrobiens et pourquoi est-ce important?

Fiche du vétérinaire
GAMAE #01

Introduction

Les gens irréfléchis qui jouent avec le traitement par la pénicilline sont moralement responsables de la mort de celui qui succombe à une infection résistante à la pénicilline… j’espère que ce fléau pourra être évité

Sir Alexander Fleming, médecin et microbiologiste écossais qui a découvert la pénicilline

La découverte de la pénicilline par Sir Alexander Fleming a révolutionné la médecine moderne. En l’espace d’une période de temps relativement courte, il est soudainement devenu possible de traiter des infections qui avaient menacé la survie des animaux et des humains pendant des siècles. En agriculture, l’emploi des antimicrobiens est un facteur qui a contribué à l’intensification de l’élevage, améliorant ainsi l’efficacité de la production afin de satisfaire à la demande croissante de protéines animales 1.

Comme Sir Alexander Fleming avait prédit, les antibiotiques ont rapidement commencé à être moins efficaces avec le temps. La Figure 1 illustre le peu de temps qu’il a fallu pour voir apparaître la résistance à certains antibiotiques clés après leur emploi généralisé.

Figure 1. Délai entre le lancement sur le marché de chaque antimicrobien et l’apparition de la résistance. 1 La pénicilline était déjà utilisée de manière limitée avant que son emploi ne se généralise dans la population en 1943. Ce tableau est adapté d’une publication du CDC : “Antibiotic resistance threats in the United States, 2013”2.

Qu’est-ce que la résistance aux antimicrobiens?

La résistance aux antimicrobiens (RAM) est le phénomène en vertu duquel des microorganismes (bactéries, champignons, parasites et virus) possèdent naturellement, acquièrent ou développent la capacité de survivre en présence de substances conçues pour les détruire ou pour limiter leur croissance. Aux fins de la discussion qui nous occupe, nous mettrons l’accent sur les bactéries. Lorsqu’elles sont exposées à des antimicrobiens (pression sélective), les bactéries résistantes survivent et se multiplient et, dans certains cas, parviennent à transmettre leur résistance à d’autres bactéries, propageant ainsi la résistance à différentes populations et à différentes espèces de bactéries (qui peuvent à leur tour possiblement infecter des animaux et des humains).

Pourquoi la RAM est-elle importante?

Aux États-Unis seulement, on estime que plus de 2 millions de maladies humaines par année sont causées par des infections résistantes aux antimicrobiens qui entraînent environ 23 000 décès2. Dans le monde entier, ce chiffre gonfle à environ 700 000 décès par année causés par des infections résistantes aux antimicrobiens3. Si la RAM continue de se propager sans être maîtrisée, d’ici 2050, environ 10 millions de gens pourraient mourir d’infections résistantes aux antimicrobiens chaque année3 (Figure 2). En gros, si des mesures ne sont pas prises immédiatement pour corriger la situation, nous allons entrer dans une ère post-antibiotiques où les maladies infectieuses auront le potentiel d’être aussi dévastatrices qu’elles ne l’étaient durant l’ère pré-antibiotiques.

Figure 2. Décès prévus en 2050 résultant de la résistance aux antimicrobiens et d’autres causes3

Pourquoi devrions-nous nous inquiéter de la RAM en santé animale et en médecine vétérinaire?

Les préoccupations entourant la RAM chez les populations animales touchent deux sujets :

  1. la santé animale : une augmentation de la proportion de bactéries pathogènes résistantes aux antibiotiques signifie que les infections qui atteignent les animaux deviennent plus difficiles (voire impossibles) à traiter, entraînant une hausse de la morbidité et de la mortalité;
  2. la santé humaine : les bactéries résistantes au antimicrobiens d’origine animale peuvent se propager aux populations humaines de plusieurs façons, menant ainsi à des infections chez les gens qui sont plus difficiles (ou même impossibles) à traiter :
    1. contact direct entre les travailleurs agricoles et les animaux4;
    2. contamination des aliments d’origine animale (comme la viande, le lait ou les œufs)5;
    3. contamination de l’environnement par le fumier des animaux6.

Bien que l’ampleur du risque est loin d’être certaine6, il existe des preuves manifestes que l’utilisation des antimicrobiens (UAM) chez les animaux joue un rôle dans le développement de la RAM chez les humains4. Par conséquent, il est de la plus haute importance que des mesures soient prises pour atténuer le développement de la RAM chez les populations animales. Quiconque utilise et prescrit des antimicrobiens joue un rôle dans le développement et le déploiement de solutions pour lutter contre la propagation de la RAM.

Références

  1. Public Health Agency of Canada. Tackling Antimicrobial Resistance and Antimicrobial Use A Pan-Canadian.; 2017.
  2. CDC. Antibiotic resistance threats in the United States, 2013. CDC Rep. 2013.
  3. O’Neill J. Tackling drug-resistant infections globally: final report and recommendations. Rev Antimicrob Resist. 2016;(May):84. doi:10.1016/j.jpha.2015.11.005.
  4. Tang KL, Caffrey NP, Nóbrega DB, et al. Restricting the use of antibiotics in food-producing animals and its associations with antibiotic resistance in food-producing animals and human beings: a systematic review and meta-analysis. Lancet Planet Heal. 2017;1(8):e316-e327. doi: 10.1016/S2542-5196(17)30141-9.
  5. PHAC. Canadian Integrated Program for Antimicrobial Resistance Surveillance (CIPARS) Annual Report – Antimicrobial Resistance. Public Heal Agency Canada, Guelph, Ontario. 2014.
  6. Chang Q, Wang W, Regev-Yochay G, Lipsitch M, Hanage WP. Antibiotics in agriculture and the risk to human health: how worried should we be? Evol Appl. 2014:n/a-n/a. doi:10.1111/eva. 12185.
  7. Holmes AH, Moore LSP, Sundsfjord A, et al. Understanding the mechanisms and drivers of antimicrobial resistance. Lancet. 2016;387(10014):176-187. doi:10.1016/ S0140-6736(15)00473-0.
  8. Page S, Prescott J, Weese S. Antimicrobial resistance: The 5Rs approach to antimicrobial stewardship. Vet Rec. 2014;175(8):207-208. doi:10.1136/vr.g5327.