Qu’est-ce que l’antibiogouvernance et pourquoi est-elle importante?

Fiche du vétérinaire
GAMAE #02

Préserver l’efficacité des antimicrobiens

À travers le monde, les scientifiques observent une augmentation de l’incidence et de la prévalence des infections bactériennes résistantes aux antimicrobiens1. On a donc mis l’accent sur l’adoption de directives d’utilisation prudente des antimicrobiens pour tenter de ralentir la propagation de la résistance chez les populations humaines et animales. Ces directives cherchent à réduire l’exposition des bactéries à ces médicaments pour amoindrir la pression sélective qui accélère l’émergence de la résistance aux antimicrobiens (RAM)2.

Une revue systématique récente permet de croire qu’une réduction dans l’utilisation des agents antimicrobiens peut en effet entraîner une réduction de la prévalence des bactéries résistances aux antimicrobiens tant chez les populations animales qu’humaines (plus particulièrement chez les humains en contact direct avec les animaux)4.

Le gouvernement canadien a élaboré une stratégie intitulée « Lutter contre la résistance aux antimicrobiens et optimiser leur utilisation : un cadre d’action pancanadien, » reposant sur une approche Une seule santé conçue pour s’attaquer à la RAM dans une perspective pancanadienne1. Le cadre est fondé sur quatre éléments clés :

  1. la surveillance – pour brosser un portrait fidèle de la RAM et de l’utilisation des antimicrobiens (UAM) au Canada;
  2. la prévention et le contrôle des infections – pour limiter la propagation des organismes résistants aux antimicrobiens et réduire l’UAM;
  3. l’antibiogouvernance – des programmes qui mettent l’accent sur l’éducation, la sensibilisation et la supervision réglementaire afin de réduire la prescription, la distribution et l’utilisation inappropriées d’antimicrobiens chez les humains et les animaux et de promouvoir d’autres moyens de favoriser la santé et de prévenir les infections;
  4. la recherche et l’innovation – pour mieux comprendre le développement de la RAM et trouver d’autres antimicrobiens novateurs et efficaces et d’autres solutions de rechange pour soigner et prévenir les infections.

L’antibiogouvernance et les médecins vétérinaires

Les médecins vétérinaires sont des experts en santé animale. De par leur formation poussée en sciences et en médecine, leur responsabilité professionnelle et leur devoir de promouvoir et de protéger la santé des animaux, du public et de l’environnement, les médecins vétérinaires sont particulièrement bien placés pour agir comme source privilégiée de conseils en matière d’antibiogouvernance.

Des chercheurs ont élaboré l’approche d’antibiogouvernance des 5 R3 :

  • Responsabilité

    Tout utilisateur d’antimicrobiens a la responsabilité de s’en servir correctement. C’est particulièrement vrai pour les médecins vétérinaires qui utilisent, prescrivent et dispensent des antimicrobiens régulièrement et qui sont donc au premier plan de la bonne gouvernance chez les animaux.

  • Réduction

    Retirer la pression sélective des antimicrobiens afin de ralentir ou de freiner le développement de la RAM. Cela devrait inclure le recours à des pratiques préventives pour réduire les maladies infectieuses comme la vaccination et le resserrement de la biosécurité.

  • Raffinement

    Apparier le régime médicamenteux et la posologie en fonction du signalement du patient, du pathogène probablement en cause et des propriétés de l’antimicrobien choisi de façon à maximiser les chances de succès du traitement.

  • Remplacement

    Dans la mesure du possible, chercher des solutions de rechange efficaces au recours aux antimicrobiens.

  • Revue

    Passer en revue régulièrement les pratiques d’UAM permet d’assurer la conformité aux initiatives réglementaires et l’harmonisation aux conclusions scientifiques courantes.

La nouvelle réglementation invite les médecins vétérinaires à jouer un rôle prépondérant dans l’antibiogouvernance afin de lutter contre la menace que représente la RAM.

Définitions importantes

Antimicrobiens – substances naturelles ou synthétiques qui détruisent les microorganismes (c.-à-d. les bactéries, les champignons, les parasites et les virus) ou qui ralentissent leur croissance.

Antibiotiques – antimicrobiens qui agissent contre les bactéries.

Antibiogouvernance – l’ensemble des diverses approches requises pour maintenir l’efficacité des antimicrobiens tout en limitant le plus possible l’émergence de RAM.4

Utilisation des antimicrobiens (UAM) – le recours à des agents antimicrobiens pour détruire des microorganismes ou en ralentir la croissance.

Résistance aux antimicrobiens (RAM) – le processus multifactoriel en vertu duquel des microorganismes (bactéries, champignons, parasites et virus) possèdent naturellement, acquièrent ou développent la capacité de survivre en présence d’antimicrobiens (antibiotiques, antifongiques, anthelminthiques et antiviraux) conçus pour les détruire ou pour limiter leur croissance.

Une seule santé – une approche aux problèmes de santé publique qui reconnaît les liens étroits qui existent entre la santé des humains, des animaux et de l’environnement. Tout problème de santé qui chevauche l’interface humain-animal-environnemental nécessite une intervention coordonnée, concertée, multidisciplinaire et intersectorielle pour assurer la mise en place d’une solution efficace.

Références

  1. Agence de la santé publique du Canada. Lutter contre la résistance aux antimicrobiens et optimiser leur utilisation – un cadre d’action pancanadien; 2017.
  2. Holmes AH, Moore LSP, Sundsfjord A, et coll. Understanding the mechanisms and drivers of antimicrobial resistance. Lancet. 2016;387(10014):176-187. doi:10.1016/S0140-6736(15)00473-0.
  3. Page S, Prescott J, Weese S. Antimicrobial resistance: The 5Rs approach to antimicrobial stewardship. Vet Rec. 2014;175(8):207-208. doi:10.1136/vr.g5327.
  4. Giguere S, Prescott, JF, et Dowling, PM. Antimicrobial therapy in veterinary medicine. 2013. Cinquième édition, Wiley Blackwell. Ames, Iowa, U.S.A. pp. 118.